Francis Vallat : « L’État doit entendre la communauté maritime française »
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Discours de Francis Vallat, Président du Cluster Maritime Français, prononcé en ouverture des 9es Assises de l’économie maritime et du littoral, à Montpellier-Sète le 3 décembre 2013.
Monsieur le président, mes amis ! Permettez moi de placer mon intervention sous le patronage (non autorisé) du président de la République déclarant avant son élection : « Je veux une ambition maritime pour la France », et de l’écho que lui a fait Arnaud Leroy récemment lorsqu’il a écrit : « En démarrant cette mission parlementaire, j’avais une ambition : doter notre pays d’une stratégie maritime ».
Nous voilà donc à nouveau réunis pour le rendez-vous annuel unitaire de notre communauté maritime de plus en plus solidaire. Un évènement qui s’inscrit désormais dans le grand mouvement vers l’affirmation d’une « Place maritime française » véritable, reconnue et respectée (tant par l’Europe, qu’avant tout par nos propres Pouvoirs Publics, avec lesquels nous ne pouvons d’ailleurs pas dire que nous ne dialoguons pas, ou qu’ils ne nous accueillent pas. Là n’est pas le problème !). Une Place maritime française sur laquelle on peut compter, mais aussi avec laquelle – je le dis solennellement en votre nom – il va falloir plus compter.
Car si les professionnels maritimes seront toujours légitimistes, ils sont confrontés à la nécessité de la pérennité du cadre réglementaire et des outils (fiscaux ou autres) avec lesquels ils peuvent travailler en français, ce qui exige des décisions claires, mais prises dans un cadre qui ne soit pas menacé en permanence au gré des humeurs incertaines de Bercy ou des aléas politiques. Or si aujourd’hui nos gouvernants ont relativement pris conscience de la maritimisation du monde (la mer est même devenue un enjeu de pouvoir), cela rend d’autant plus incompréhensibles les atermoiements concernant certaines décisions. Des décisions annoncées souvent, mais tout aussi souvent retardées, au gré de processus dont nous ne percevons pas toujours la cohérence, surtout lorsqu’il s’agit de l’application d’arbitrages effectués, et pour lesquels – en cette heure financière difficile – l’argent étatique n’est pas engagé.
Mais il faut saluer aujourd’hui avec grande satisfaction et vraie reconnaissance la venue tout à l’heure, et l’engagement personnel du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, de même pour la présence de « notre » ministre Frédéric Cuvillier, qui comprend en général nos problématiques mais que nous aimerions tellement moins isolé, ou en tout cas plus soutenu dans les combats qui exigent particulièrement une coopération interministérielle forte), et encore celle du ministre des Outre-mer Victorin Lurel, dont j’ai pu constater dans un long et récent entretien l’importance qu’il attache au mot mer dans l’appellation de son ministère.
Saluts sincères et respectueux des fonctions, avec l’espoir que l’annonce des décisions prises lors du CIMER d’hier, et que nous allons entendre aujourd’hui, nous permette de croire en un rythme de décisions et une visibilité mieux adaptée au contexte mouvant des défis que nous devons affronter, et aux initiatives lourdes que les acteurs maritimes français ne peuvent plus retarder. Espoir que le CIMER du 2 décembre ne soit pas forcément celui du sacre de nos atouts maritimes tout prêts à s’exercer plus et mieux, mais celui de voir se lever une lumière annonciatrice, genre Soleil d’Austerlitz, sur le champ de nos batailles en cours et à venir…
Et ça vaut le coup !
De fait notre brochure 2013/2014 (dans vos mallettes) montre que malgré l’impact perceptible de la crise (lisez notre préface) plus de 300 000 personnes en métropole vivent toujours directement du maritime (hors tourisme littoral) et y génèrent 65 Milliards de valeur de production. Et le Cluster Maritime Français est de plus en plus légitime pour parler au nom de cette grande et dynamique communauté puisqu’il rassemble maintenant environ 330 acteurs professionnels, plus environ 130 entités rassemblées par nos clusters outremer, contribuant ainsi de plus en plus à la force tranquille de cette « place maritime française ». Tandis que le « European Network of Maritime Clusters », que nous présidons, fort des 17 pays qu’il commence à faire bouger, devient peu à peu le premier interlocuteur maritime privé de la Commission européenne (point confirmé à Bruxelles fin 2012, puis au beau Salon Euromaritime de février, à Athènes en mai, enfin à la conférence des clusters européens de Lisbonne que j’ai présidée en septembre), une Commission Européenne qui salue dans ces Assises le premier rassemblement maritime annuel de l’Union (ce qui prouve qu’elle n’est pas qu’autiste, loin du terrain et hypertechnocrate ou idéologue, des dérives qui cependant s’accentuent et nous inquiètent). Tous éléments rendant d’ailleurs dérisoire mon pari d’atteindre le chiffre de 1 500 participants pour ces journées qui, grâce entre autres à l’engagement exceptionnel de cette Région Languedoc-Roussillon (bravo président!) devrait de toutes façons battre le record, prouvant encore que la France maritime est mobilisée et, je le redis fortement, que les gouvernants feraient bien de l’écouter mais surtout de l’entendre …
En fait vous devez être plus de 1 400 inscrits, ce dont nous nous réjouissons avec nos amis du Marin d’abord, mais aussi des Echos, et notre partenaire historique et si cher des Journées Nationales de la Mer, l’IFM, présidé avec talent par Eudes Riblier. Et comme vous l’avez compris tout ceci est vigoureusement renforcé par notre outremer, où vient de se créer en Martinique un 4e cluster maritime frère, après ceux de Guadeloupe, et de la Guyane Française (que j’ai visités tous les trois la semaine dernière comme j’avais rencontré le président du Cluster de La Réunion pour donner plus d’efficacité à notre coordination)… tandis que se profile à l’horizon proche la naissance du cluster maritime polynésien…
L’année dernière je disais déjà haut et clair qu’un « Parti de la mer » émergeait irrésistiblement, dont tous ici nous sommes le fer de lance. Grâce au dialogue avec tous, merci aux fédérations, je peux dire que nous sommes maintenant en ordre de bataille, et que c’est au développement de l’emploi et de la France maritime que nous voulons consacrer notre énergie, pas à des complications franco-françaises ou à des combats sans fin pour que les choses avancent, pour que soit lisible la politique maritime, pour qu’une vraie vision s’affiche, pour que le temps de l’administration rejoigne enfin celui de l’industrie, pour que soit gâché moins de temps quand compétitivité et avenir des filières sont en jeu.
Pour montrer que nous refusons nous-mêmes la facilité, et avant de conclure sur ce qui marche mais aussi sur nos frustrations, voyons concrètement la situation dans nos grands secteurs, objectivement, et en soulignant les domaines où l’Etat a joué son rôle, le joue, peut le jouer, devrait le jouer.
Le transport maritime d’abord !
Pour la piraterie. Il convient de saluer l’autorisation des gardes privés embarqués à bord des navires français, qui devrait enfin être confirmée. Mais il y aura fallu plus de deux ans, d’innombrables soubresauts, et en arriver à être les derniers de la classe européenne. Est-ce normal ? Ce sont bien les armateurs qui ont été admirables de continuer à y croire, à vouloir tenir et rester français le plus longtemps possible ! Et que dire des sociétés de sûreté devant gérer si longtemps une infernale incertitude, et obligées de passer par des stratagèmes étrangers pour pouvoir continuer à survivre tout en employant des français! Maintenant il faut absolument que soit précisé très rapidement le moment où le texte passera au Parlement. Puis se préoccuper du maintien de l’effort consenti par l’Etat dans l’est de l’Afrique, tout en amorçant une action énergique dans l’ouest. A cet égard le prochain sommet de l’Elysée doit être une opportunité formidable pour « pousser » une coordination efficace des différents Etats du Golfe de Guinée.
Et il y a la loi de 1992, sujet vital car il conditionne l’avenir de toute une filière de transport maritime de produits pétroliers (à défaut d’ailleurs – et à ce stade seulement espérons le – de couvrir le charbon et le gaz), et surtout il est la clef de la sécurité des approvisionnements stratégiques du pays en cas de crise. Bouger vite est donc une ardente obligation ! En un mot et comme l’écrit Arnaud Leroy : « c’est une des pierres de touche de la détermination maritime française » ! Or là aussi le temps passé (18 mois) pour arriver à une décision – au moins de principe – est proprement décourageant, et coupable au regard de dossiers en passe de devenir catastrophiques alors qu’ils auraient pu être réglés avec l’accord de tous. Je pense à Maersk France, chère à mon cœur puisque sous un autre nom c’était la compagnie que je dirigeais, ou encore au Tamarin à La Réunion, remplacé depuis peu (provisoirement ?) par des navires Marshall ou Liberia alors que depuis 1987 c’est le pavillon français qui était l’instrument de l’efficacité sûre.
Idem pour le rapport Leroy, essentiel car il met au cœur de son travail la compétitivité de nos entreprises, pas vis à vis de la complaisance non ! pas contre l’emploi non ! mais bien vis à vis de nos voisins européens. Et c’est de la valorisation du savoir-faire de nos marins, de l’expertise de nos entreprises et de la qualité de nos services qu’il s’agit. Tout y est dit, encore une fois, il faut enfin passer aux actes ! Un exemple ? Aucun secteur autre que le transport maritime n’est davantage exposé à la concurrence internationale. Et pourtant le CICE continue d’être refusé. Incompréhensible !
Et comment ne pas dire un mot de l’ENSM, dont les très honnêtes et compétents président et directeur général cherchent avec constance, courage et lucidité à tirer le meilleur de la contrainte des quatre sites? Les préoccupations des représentants de chaque site devaient et doivent impérativement être prises en compte, mais l’intérêt général de l’Etablissement doit aussi être la préoccupation de tous, pour qu’in-fine l’école puisse être toujours plus performante et rester ce qu’un prestigieux armateur français rappelait la semaine dernière: un atout essentiel de la France pour l’avenir.
L’industrie maritime à forte valeur ajoutée (construction navale, civil et militaire confondus) exporte plus de 50% de sa production. Avec le nautisme et l’offshore notamment, elle montre que France et Industrie peuvent rimer, et être compétitives malgré nos coûts du travail (comme y arrivent d’ailleurs les armateurs sur les créneaux complexes). Ceci car elle dispose des compétences les plus avancées, et dont certaines restent le privilège – sans cesse à préserver – d’un nombre limité de pays, dont les européens. Ainsi elle construit les plus gros paquebots au monde, les sous-marins anaérobie de dernière génération – dont la complexité est, au dire des américains, bien au-delà de l’aéronautique – ou encore les frégates multi-missions, des patrouilleurs rapides ou des navires de pêche hypersophistiqués. Ce Génie maritime français est un enjeu fondamental, les hommes et femmes qui construisent aujourd’hui les navires, doivent pouvoir construire demain les installations pour les EMR et les plates-formes multi usages. Or l’industrie navale avance, par exemple elle a su se fédérer via le GICAN et créer le Campus Naval France rejoint par nombre d’entités prestigieuses.
Et c’est dans cet esprit que le Cluster demande que l’Education Nationale structure les formations initiales de l’industrie navale, en liaison partielle avec la Marine nationale, en particulier pour la soudure, l’électro-mécanique, le réaménagement du BTS construction navale, les structures et matériaux (très important pour les EMR).
Pour résumer, avec ce campus, le CORICAN (heureusement mis en place par l’Etat), et l’organisation d’OCEANS 21 (aussi soutenue judicieusement par l’Etat) l’industrie navale est prête à accompagner dans le maritime la transition énergétique, à réaliser les « navires écologiques attendus » et qui doivent pouvoir être français, que ce soit sous l’angle de leur construction ou, comme je vais y revenir dans deux minutes, de leur armateur et même de leur pavillon.
Pour les ports, l’UPF en témoigne, la réforme porte véritablement ses fruits aujourd’hui. Grâce à une paix sociale fondée sur un dialogue de qualité, leurs clients reviennent, sensibles aux rationalisations comme aux gains de productivité réalisés par les manutentionnaires. Par exemple le Havre et Marseille regagnent des parts de marché, et l’alliance P3 devrait bientôt confirmer cette tendance. Mais la baisse du raffinage les impacte lourdement et les pousse à se porter vers le marché des nouvelles politiques énergétique et environnementale, comme les EMR ou le GNL. D’une manière générale l’important reste d’intensifier l’effort sur les massifications, les connections intermodales, la fluidité du passage. Et puis il faut absolument faire évoluer le port vers un rôle d’ensemblier, avec les collectivités locales, pour favoriser la qualité de l’environnement mais aussi l’emploi qualifié : « développement durable » toujours ! Est en cause la capacité des ports français à accueillir de nouveaux investissements, sinon à quoi bon parler de ré-industrialisation ! De même plus grande cohérence et meilleure coordination des administrations sont indispensables pour une meilleure gestion des espaces fonciers. Enfin comment ne pas revenir sur notre appel de 2012 pour que les ports dits secondaires, et qui ne le sont pas, se voient compensés des conséquences négatives pour eux de la réforme GPM, ou pour que soit enfin réglée l’anomalie fiscale dont souffre le port de Sète (qui accueillera le Tonnerre ce soir, et donc nous tous) ? Difficile d’admettre que sur des dossiers aussi légitimes les choses ne bougent pas enfin !
L’industrie nautique, quant à elle, reste un leader mondial précieux pour la balance commerciale française, et se remet d’une crise sans précédent. Mais pour redynamiser les emplois, elle a plus que jamais besoin de compétitivité et d’un marché intérieur fort, donc pas de prélèvements supplémentaires plus ou moins sauvages qui tueraient le « rebond » ! La coupe est en effet pleine, que ce soit pour les entreprises ou pour les plaisanciers, qui en plus pourraient durablement s’éloigner, avec des impacts économiques et sociaux irréversibles. Enfin, antienne lassante, il est crucial que là aussi, là encore, la France necrée pas elle-même une distorsion de concurrence suicidaire en imposant aux seules entreprises françaises des réglementations plus contraignantes, d’autant que les bons élèves que nous sommes souffrent déjà assez de la diversité des applications au niveau européen !
La pêche française, elle, ne veut pas être la variable d’ajustement de certaines bonnes consciences écologiques ! Car si les pêcheurs ont accepté la dynamique du développement durable, et la cohabitation avec de nouveaux usages en mer, ce n’est évidemment pas pour se trouver cantonnés dans des réserves. Faire croire que l’avenir de la pêche française passe par une pêche de proximité dans la bande côtière relève d’une vision tronquée voire mal intentionnée de la part de certaines ONG extrêmes. La richesse de notre pêche réside dans la diversité de ses métiers et des apports débarqués ! Les nouveaux enjeux de la politique commune de la pêche notamment avec le zéro rejet va induire de nouveaux challenges que la pêche française saura relever.
Déjà bon nombre de stocks se sont reconstitués et certains sont sur la bonne voie, résultats atteints grâce aux efforts de l’organisation professionnelle et malheureusement au prix de sacrifices par les flottilles. A cet égard le port de Sète a été très éprouvé depuis quelques années. Au fond le message des pêcheurs est simple: malgré les difficultés, (prix des carburants), la pêche française a un avenir et entend fournir aux consommateurs des produits de qualité, issus d’une pêche responsable et durable. Contrairement à certaines campagnes calomniatrices, on peut être fier d’elle !
Quant à l’aquaculture (réponse mondiale la croissance démographique), elle va bien, sauf en France qui, malgré les discours toujours très positifs, rate régulièrement le train de sa croissance! Incompréhensibles retards des schémas régionaux de développement, mille fois annoncés et promis. Une situation d’autant plus inacceptable que le gouvernement répétait après nos Assises 2012 qu’il fallait assurer la sécurité alimentaire de notre pays. Bon, allons de l’avant, la réforme de la PCP laisse encore une petite chance au développement de l’aquaculture en France dans le cadre du plan stratégique pour son développement, en cours d’élaboration et qui doit être remis à la Commission Européenne début 2014. On va surveiller !
Dans le domaine des EMR, c’est la Satisfaction des annonces récentes concernant les AMI pour fermes pilotes dans l’hydrolien (même si les modalités de financement ne pas encore celles attendues), et doivent être éclaircies dans des délais raisonnables, c’est-à-dire rapides. Satisfaction aussi de l’annonce de la préparation concrète des prochains appels d’offres à l’éolien, mais là aussi début d’inquiétude face à des échéances imprécises. C’est évidemment très important pour les acteurs eux-mêmes, mais aussi quand on sait la puissance de l’effet de levier des EMR sur l’économie, les emplois, la connaissance du milieu marin, les retombées pour les communes, le financement compensatoire des autres activités maritimes.
Et puis, à nouveau les mêmes préoccupations vis à vis d’un Etat trop apparemment hésitant, de la part d’industriels qui ont besoin de visibilité pour programmer leurs investissements et en réduire le coût de financement. Mais les moyens de cette visibilité, soit avancent lentement (autorisation unique), soit ne sont pas traités alors qu’ils sont clairement sur la table (problématique des recours administratifs dont il est impératif de réduire durée et niveaux, sauf à retarder d’un bon nombre d’années les investissements : risque si insupportable que « l’Etat de droit » doit trouver un équilibre) ; soit ne paraissent pas être pris à bras le corps, telle l’élaboration d’une vraie feuille de route par technologie ; soit ne sont même pas être initiés, comme l’intégration de la dimension maritime – française – des EMR, à propos de laquelle LDA a eu raison de sonner le tocsin dans les Echos de la semaine dernière, car non seulement il y a là aussi des verrous technologiques que nos armateurs sont capables de résoudre, mais en plus et si rien n’est fait, et fait à temps, ce sont naturellement nos concurrents étrangers qui en profiteront à tous points de vue, activité et emploi. Même chose enfin pour la coordination avec RTE ; l’association de la CNDP le plus en amont possible; l’inventaire des formations nécessaires et des formations existantes; le pilotage centralisé au niveau de l’administration ; le renforcement de la DGEC pour « le service des EMR », et sa meilleure coordination avec l’Ademe; la juste représentation de cette nouvelle industrie dans les instances de concertation maritimes etc… etc…
Concernant l’Outremer, dont je salue chaleureusement les représentants, en particulier clusteriens, je dirais seulement que leur ministre devrait répondre ici aux préoccupations qu’ils ont bien voulu m’exprimer, et qui toutes s’inscrivent dans un esprit commun : Convaincre qu’ils sont une chance et non une charge pour notre pays, ce que d’ailleurs notre communauté maritime sait, du fait des efforts qu’ils font eux-mêmes pour bouger, et aussi du fait que leur territoire maritime est un atout majeur de la France, dès lors que leurs zones économiques seront exploitées et sécurisées.
De ce que j’ai entendu je dirais seulement que le travail fait pour la fiscalité est reconnu mais qu’il est à terminer, que la surveillance de nos eaux (sur le plan de la pêche en particulier) est plus efficace, plus déterminée à la fois sur le plan de l’action : plus d’opérations, un peu de renforcement de matériels sur zone, ou sur celui des procédures (sanctions contre les braconniers ) mais que l’on est évidemment encore loin du compte du fait de moyens financiers ne permettant pas d’augmenter suffisamment les bâtiments dédiés. (Permettez moi à cet égard une incidente, qui est celle de notre inquiétude générale sur les moyens de Défense et de l’action de l’Etat en mer, question très suivie par notre communauté maritime. Que se passera-t-il si la LPM, qui déjà ne semble pouvoir ménager que le seuil d’insuffisance est – comme ce fut toujours le cas – grignotée dans les années qui viennent? On aimerait là aussi être sûr que c’est bien une vision de notre siècle maritime qui inspire nos gouvernants et les mènera à ne pas baisser plus la garde).
Enfin, pour l’outremer, je citerai le souci de faire qu’une « base arrière » pétrole soit incontournable en Guyane plutôt qu’à Trinidad, dossier important pour le CMF qui y travaille sérieusement (avec le CMGF naturellement), et en liaison harmonieuse avec l’administration à ce stade (en particulier la DGOM).
Permettez moi, maintenant et avant de terminer, de vous parler de quelques sujets nouveaux qui devraient faire l’actualité. Le premier étant même une sorte de révolution ! Ca y est ! L’essai de 2012 a bien été transformé, nous avons réussi (il a fallu 6 ans au Custer) à faire bouger le Mammouth. Les trompettes de la renommée n’ont pas retenti car ça n’est pas médiatique, et pourtant c’est à nos yeux une victoire majeure, préparatrice d’un avenir meilleur pour la conscience maritime des français et donc de la France. De fait avec l’opération « Enseigner la mer » le maritime a émergé très fort à l’Education Nationale. Et depuis janvier 2013 a été entrepris un travail remarquable (Tristan Lecoq) pour établir un panorama complet des « enseignements de la mer et du monde maritime ». Ce de l’école élémentaire au lycée, toutes séries et filières confondues (générales, technologiques et professionnelles). De son côté la Fondation Maud Fontenoy, avec notre aide, a édité des livrets pédagogiques, compléments des programmes d’enseignement de l’Education Nationale, qu’elle a justement qualifiés de compagnon pour le maître, de témoignage pour l’élève. Tout cela dans l’esprit qui est le nôtre : le développement durable, toujours ! C’est donc bien à une mobilisation sans précédent que l’on assiste sur ce front… Et le Cluster Maritime Français est fier d’avoir plus qu’aidé à catalyser ce mouvement profond, et à en rapprocher les acteurs au nom d’une vraie conscience maritime !
En prenant avec un peu d’humour la référence de Mao Tse Toung « La moitié du Ciel mais aussi la moitié de la Terre doit appartenir aux femmes », je vous apprends probablement qu’il est prouvé que la mixité des équipes est un facteur de performance pour les entreprises. La conclusion paraît logique: favorisons la mixité! Mais pour dresser d’abord un état des lieux dans les entreprises maritimes, le groupe de travail compétent du CMF, créé sur la suggestion de nombreuses sociétés, a élaboré un questionnaire. 111 réponses sont actuellement parvenues et il va continuer d’être diffusé jusqu’à fin décembre. Merci de vous adresser à ce sujet au stand du Cluster. Après, il faudra voir ce qu’on en fait. De nombreux membres du Cluster participent à ces travaux, d’autres tout aussi légitimement ne pensent pas qu’aller vers une sorte de discrimination positive soit une bonne voie. Le groupe de travail en discutera!
Enfin le Livre Bleu de la Marétique est sorti, cosigné entre autres par le CMF. Il détaille des projets susceptibles d’améliorer la compétitivité des professionnels maritimes, sachant que la Marétique est l’adaptation des nouvelles technologies à leurs besoins spécifiques.
J’ai le plaisir de vous annoncer – au nom de ses responsables – qu’un Cluster marétique va prendre son envol début 2014. Soutenu par le CMF, il rassemblera acteurs maritimes, du numérique, et de l’innovation.
Il me faut maintenant conclure, avec le devoir de revenir sur mes commentaires originaux concernant nos attentes de l’Etat !
En fait ce qui m’inspire est l’expérience que l’équipe du Cluster, formidablement dévouée, a maintenant de la communauté admirable que vous formez.
Vous êtes l’un des secteurs au monde les plus exposés à la concurrence internationale et pourtant, dans ce cher et vieux pays (Charles de Gaulle), malade de son mauvais moral, de ses boulets, de ses charges écrasantes, vous ne renoncez jamais ! Au fond notre, votre communauté professionnelle illustre pourquoi la France tient encore debout, pourquoi nous sommes un pays si particulier, râleur, déprimé, mais qui continue d’avancer malgré les pires difficultés, et parfois malgré les erreurs qu’il commet lui-même. Vous êtes une partie exemplaire de cette France qui travaille, qui est encore capable de s’enthousiasmer, de s’accrocher, de foncer, et grâce à laquelle l’autre France (pas tant la France suradministrée – nous sommes bien placés pour savoir que beaucoup de fonctionnaires travaillent énormément – que celle des profiteurs du système, ou des exclus hélas) ne réussit pas à mettre le pays à genoux. Et en même temps vous « fatiguez », forcément ! En tout cas il est fondamental de ne pas décourager les vrais travailleurs comme vous, qui tenez tout, ou qui financez tout, par votre dynamisme…Donc les gouvernants de la France doivent au pire vous montrer considération, respect, et au mieux vous aider autant qu’ils peuvent à vous battre pour la communauté nationale…Or ça n’est pas assez le cas, le « Prince » – si je pouvais je dirais l’Etat « collectif », le Léviathan obèse – oublie trop souvent que son honneur est d’être « au service » de l’intérêt général, de vous tous, et que la servitude peut être plus grande que l’apparence de la grandeur. Il oublie trop souvent d’être humble, d’écouter, d’entendre, ce qui naturellement ne veut et ne doit pas dire qu’il devrait vous dire oui à tout !
C’est une question de forme, mais elle touche au fond, et cela n’a rien non plus d’une leçon de morale, qui serait déplacée.
Quelques exemples triviaux d’un phénomène généralisé :
– Le monde maritime quasi-unanime fait savoir qu’il ne voudrait pas la disparition de l’AAMP dans le sein d’une nouvelle agence pour la biodiversité. Celle-ci est tout de même décidée sans débat, ce qui pose certes un problème de fond (non que nous nous arc-boutions sur la spécificité maritime. Nous sommes simplement réalistes. Car dans les arbitrages entre la terre et la mer, et là où il n’y a pas d’élus, c’est toujours la mer qui est perdante) mais aussi un problème de forme, car il apparaît clairement que l’avis de la communauté maritime, pourtant la plus concernée, n’avait dès le départ aucune chance par rapport à une décision politique déjà prise. Manque de considération ! Même s’il est honnête de dire que nos avis semblent mieux pris en compte pour quelques mesures de fonctionnement de la nouvelle agence, destinées à nous rassurer.
– Trop fréquents sont les grands évènements maritimes étatiques, pour lesquels les plus hauts responsables de l’économie maritime se préparent longuement, puis se mobilisent à la demande du ministre, mais où finalement tout le monde est là sauf le ministre (en général contre son gré, étant lui-même mobilisé pour accompagner à la dernière minute le déplacement d’une autre Autorité). Ce ne serait pas grave si cela arrivait de plus en plus (dernièrement ce fut le cas par exemple pour l’installation du Conseil National des Energies Renouvelables). Manque de considération objectif ! Même s’il est honnête de reconnaître que la réunion prévue s’est déroulée (mais probablement d’une manière différente de si le Ministre avait été là).
– Incompréhensible est le fait qu’alors que les représentants de l’économie font savoir qu’ils s’efforcent de créer une filière d’importance internationale (exploration-exploitation des grands fonds marins), donc dans un domaine où le gouvernement a affiché sa volonté de définir une stratégie nationale à long terme, il soit pendant deux ans quasiment impossible de trouver un interlocuteur étatique politique intéressé. Manque de considération ! Même s’il est honnête de dire que pour ces Assises le gouvernement – au plus haut niveau – a finalement décidé de traiter le dossier (avec quelques décisions ce jour nous l’espérons).
– Inacceptable encore, le fait qu’un ministère (en l’occurrence celui de la culture dans le dossier dit d’archéologie préventive) ne tienne aucun compte de recommandations de bon sens faite par les représentants du monde maritime malgré un dialogue constructif, initié par nous, et démontrant que certaines dispositions terrestres sont tout simplement inapplicables, et qu’aucune réponse ne soit apportée dans le Livre Blanc censé faire la synthèse du sujet. Manque de considération ! Et mépris de notre revendication répétée et justifiée que la gouvernance de la mer repose sur un ministère plein et fort, sans que cela soit contradictoire avec un interministériel lui-même fort et reconnu.
– Incompréhensible que pour des raisons de complications administratives, et d’arbitrages politiquement sensibles, des dossiers générateurs d’emplois soient finalement indéfiniment repoussés (yc pour cause affichée de campagnes électorales). Les entreprises souffrant par ailleurs d’un empilement de réglementations diverses et complexes qui est un autre calvaire… Prenons l’exemple des navires sabliers : 7 à 8 ans de procédures d’instruction pour leurs demandes de permis et toujours pas de décision !! Manque de considération ! Est ce vraiment cela l’Etat de droit ? Et les exemples sont multiples, d’aucuns se souviennent par exemple du malheureusement exemplaire dossier du terminal charbonnier de Cherbourg ! Oui, il faut vraiment avoir la foi….
En point d’orgue je voudrais que vous vous souveniez d’une chose, que tous savent et que l’Etat ne cesse de vivre avec le CMF. Je suis et nous sommes les ennemis de la politique du pire, je veille et nous veillons toujours à ce que le dialogue soit constructif et débouche sur des solutions acceptables, nous poussons toujours au compromis (sans compromission). C’est dans cet esprit, mais aussi dans celui du développement durable qui est dans ses deux dimensions notre « religion », c’est enfin dans l’esprit de coopération ouverte qui est celui de l’IFM, de la « Blue Society » ou de SeaOrbiter que pour une fois je sors de ma réserve et tire la sonnette d’alarme ! Et si je le fais c’est parce que je suis convaincu que les tensions sont trop fortes, que les risques de lassitude deviennent inquiétants, mais aussi que les hommes de l’Etat avec qui nous travaillons sont à tous niveaux à la fois compétents et de bonne volonté, et que donc ils comprendront que certaines situations deviennent invivables, décourageantes, et ébranlent même les meilleurs. Nous avons tous intérêt, publics ou privés, ensemble et réciproquement, à ce que les bons entrepreneurs croient en la France et en ceux qui aujourd’hui la dirigent légitimement et avec qui nous voulons avancer aujourd’hui, mais pas demain ou après-demain. Il faut donc que l’Etat entende aujourd’hui ces acteurs de grande qualité que rassemble la communauté maritime française, et qui s’adressent à eux non pour quémander, mais pour disposer des outils, règles, réponses qui leur permettront enfin d’avancer au même rythme que leurs concurrents, et de servir avec bonheur leur pays !
Je vous remercie !
Francis Vallat,
Président du Cluster maritime français